Masc.
Pitch :
A travers les yeux du réalisateur, nous suivons Philippe et Rashaad, deux jeunes hommes noirs aux personnalités différentes qui déconstruisent les codes racistes mais également les carcans du genre afin de s'approprier leur propre expression pour défier l'injonction de virilité chez les hommes noirs.
De quoi ça parle vraiment :
- De racisme
- De société hétéropatriarcale
- De masculinités
- D'identité et d'expression de genre
Représentation et visibilisation
. Chriss Itoua est une personne noire qui a su, à travers ce documentaire, montrer toute la complexité des questions d'identité et de représentation. Il s'agit pour lui de raconter la dualité qu'il aborde chaque jours dans son quotidien:
« Ce n'est pas seulement important d’avoir des modèles qui nous ressemblent, car de plus en plus nous avons les moyens de les trouver ces modèles sans qu’ils nous soient tendus sur un plateau par les médias mainstream. Je pense que c’est surtout une question de récits, pouvoir se raconter soi c’est éviter que d’autres nous racontent. Le caractère de lutte chez moi et très doux dans un sens car je pense que la simple présence dans des espaces où nous (racisés et queers) ne sommes pas attendus devient politique. Je n’ai pas l’intention de faire des films qui soient des brulots militants car je pense que se raconter et sortir des cadres définis pour nous c’est déjà une énorme subversion qui peut faire bouger les choses en nos faveurs. »
« J’aime l’aspect inattendu de voir un jeune homme noir tricoter dans le RER ! C’est anodin mais ça parait détonnant car ce n’est pas un régime d’image qui est diffusé. Pour moi cela démontre un déficit de la diversité des représentations. Pour Rashaad je voulais un peu procéder à l’inverse et parler de son identité sociale de mec de cité qui s’est affirmé dans ce qui lui avait valu des brimades. Pour chacun des personnages leurs féminités ont été des armes pour imposer leurs identités aux autres et juste se sentir bien dans sa peau.»
Personnes concernées
. Le réalisateur ainsi que les personnes suivies tout le long du documentaire sont des personnes noires qui relatent de leur vécu ainsi que de leurs expériences tant artistiques que sociales et qui font face aux constructions des sociétés et au racisme pour les bousculer à leurs manières.
« Je pense que le déficit d’artistes non-blanc.hes dans certaines pratiques artistiques en France est dû au manque de lieux culturels proposant une diversité de disciplines. J’adore la danse, mais le fait que le lien à l’art pour des jeunes racisés passe par une discipline lié au corps n’est pas anodin. Une personne noire en France est rassurante quand c’est une personne sportive qui
s’exprime par le corps, la personne noire est moins rassurante dans d’autres modes d’expressions qui laissent moins libre court aux interprétations d’autrui... »
Feel Good
. Bien qu'abordées de manière frontale, les sujets portés par les deux protagonistes nous permettent de reconnaître la pluralité des expressions de genre et d'apprécier la définition individuelle que chacun·e y apporte. Comment s'approprier son propre espace et ses talents tout en ne cédant aucunement aux regards portés par les institutions ? C'est bien ce que montre Chriss Itoua à travers ce documentaire.
Militant
. Philippe et Rashaad sont à eux de puissantes voix cohérentes et conscientes qui expriment leurs parcours et leurs passions sans tabou. C'est avec bienveillance que les deux portraits se tissent et dévoilent toute la force de convictions des deux jeunes hommes.
« C'est surtout une question de récits, pouvoir se raconter soi c'est éviter que d'autres nous racontent. »
« J’aime penser mon travail comme une expression de nos individualités, car il y a des noirs et pas un seul noir, et c’est par l’art pour moi qu’on se rapproche
d’une vérité. Ce n’est pas une image fast food prête à consommer sans réflexion que je veux produire, mon discours ne s’impose pas aux autres, chacun.e le fait passer par son prisme pour s'interroger sur ce que je raconte. »
Déconstruction
. « Masc. » est un travail de conscientisation et de représentation des minorités dans toute sa splendeur. A travers Philippe et Rashaad, nous abordons déjà la pluralité des expressions et ce que signifie être queer pour le réalisateur, dans le refus d'appartenir à un tracé binaire dans lequel l'on enferme les jeunes hommes noirs.
« Une de mes grandes idoles queer est Prince et je pense que plusieurs personnes ne le définiraient pas comme queer mais il l’est dans son expression du genre, son refus de se nommer même à un moment et sa volonté de s’esssentialiser comme être plutôt que comme homme ou femme. Du coup pour moi c’est ça, c’est déborder du cadre, déborder des limites établies par une société dominés par des gens qui veulent se ressembler et que tout le monde se ressemblent. Etre queer c’est la plus belle expression de l’individualité, celle qui s’affranchit vraiment de la norme juste pour exister et pas nécessairement pour se révolter uniquement. »
Source: Interview avec Chriss Itoua